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Café roliste du colloque 2017 : le narrativisme

Posté : 17/03/2017 à 15:05
par Bob Layne
Suite au café rôliste qui s'est déroulé durant le colloque Bob le Roliste de 2017, voici un petit compte rendu de nos discussions.
Merci à tous les participants pour leurs apports au débat.
Spécial tanks à Globo et Thomas Munier pour leur partage d'expérience.
Sujet : le narrativisme.
Plusieurs questions ont servi de point de départ pour le débat : Lorsque l'on parle de jeu narrativiste, parle-t-on d'un jeu ? De joueurs ? D'un genre de partie ? Ou d'un type de pratique au sien d'une partie ?

I. Définition
Le jeu de rôle « narrativiste » s'oppose aux jeux dits « classiques ». C'est un terme créé et théorisé dans les années 2000 mais dont les notions fondamentales sont présentes dès la naissance du jeu de rôle, et déjà dans les premières versions de Donjons et Dragon. On propose dès ce moment des jeux plus axés sur la narration et délaissant la partie simulation et « wargame ».

Depuis, le terme a évolué et s'est retrouvé attaché à de nombreux jeux. En fonction des personnes, le terme de « narrativisme » peut évoquer différents aspects :
  • du drama : le jeu dramatique au sens théâtrale du terme. Des histoires tragiques et ayant un impacte émotionnel fort sur les personnages impliqués. Le drama peut impliquer du jeu PvP (player versus player) et donc des confrontations entre joueurs.
  • des dilemmes moraux : les personnages sont soumis à des choix cornéliens, qui mettrons à mal leurs valeurs morales. Des choix réalisés par les personnages vont impliquer des conséquences importantes ou il sera question du positionnement moral du personnage.
  • un système de jeu léger : le système de jeu est allégé voir supprimé dans le but de privilégier l'ambiance et l'immersion. Peu de dés, peu de valeurs chiffrées. Peu ou pas de mécanismes (méta-jeu). Dans le cas le plus extrême, il peut s'agir d'un jeu sans règles.
  • jouer pour raconter une histoire : la partie se concentre sur le fait de raconter une histoire intéressante. Cet aspect peut servir à émuler un genre dans la lignée des jeux esthétiques ou des story-games.
  • un jeu centré sur les personnages : focus sur les personnages ou peut être un personnage en particulier. Semblable au fait de jouer une histoire, mais dans un focus différent, où l'évolution du personnage mis en lumière est la plus importante.
  • de la narration partagée : la partie n'a pas de Maître du Jeu fixe et unique. Son rôle peut être tournant ou une partie de son pouvoir relégué aux autres joueurs. Peut être que les joueurs peuvent choisir et raconter les conséquences de leur réussite sur l'univers.
  • une histoire simple : des personnages monodimensionnels et des histoires maigres. Dans le but d'appuyer le propos de base et d'aller à l'essentiel. Cette notion est souvent liée au jeu émergeant (sans scénario pré-défini) car il permet à chacun de prendre en main personnage et univers rapidement.
  • un jeu indépendant : il s'agit d'un mode de production qui à été utilisé pour la création de nombreux jeux narrativistes mais qui n'a pas d'autre lien. Cet aspect est un a priori sur le jeu narrativiste plutôt qu'une réelle caractéristique.
Après avoir approfondit ces différents points, nous avons constaté qu'il s'agit de termes qui peuvent être antagonistes. Il est difficile de faire jouer des dilemmes moraux dans des jeux à narration partagée. En effet, le narrateur temporaire peut avoir peur du retour de bâton lors qu'il sera dans la position de joueur, et celui dont le personnage souffre cherche à minimiser la situation avec le pouvoir de narration qu'il possède.
Toutefois, certains de ces termes vont particulièrement bien ensemble. Par exemple, le fait d'alléger le système de jeu répond souvent à un autre objectif, comme le fait de faire jouer du drama ou des dilemmes moraux.
Un jeu narrativiste est donc un jeu qui possède un ou plusieurs de ces aspects, mais probablement pas tous. De plus, chaque aspect peut être plus ou moins présent. Cela se voit particulièrement dans l'aspect « jeu avec un système léger ». Certains jeux n'ont plus que quelques règles alors que d'autres proposent des systèmes simplifiés mais encore présents et complets.
Nous avons enfin remarqué que certains jeu dits « classiques » possèdent certains des aspects rattachés au narrativisme, même si ce n'est pas tout le temps clairement indiqué dans le livre. De nombreux Maître du Jeu intègrent des séquences du genre narrativiste au sein d'une campagne ou d'une partie plus classique.

II. La boite à outils
Nous avons poursuivi le débat avec la question : comment appréhender et gérer ces différents aspects dans un jeu ?
Après discussion, nous avons ressorti des outils qui permettent de manipuler ces notions dans une partie. Deux de ces outils ont une valeur globale qui peut s'appliquer tout le temps :
  • le contrat social : lors du début de votre partie ou de la séquence, indiquez bien aux joueurs l'aspect que vous souhaitez utiliser ou mettre en avant. Négociez au besoin les limites, posez les conditions pour arriver à un compromis. Tous les joueurs doivent savoir à quoi s'attendre et accepter le type de jeu.
  • la règle d'or : appelé aussi le jeu en souplesse, cet outil est indiqué dans presque tous les livres de jeu de rôle. « Si une règle ne vous convient pas, trichez ». Supprimez les éléments de jeu gênant l'avancée de la partie, après concertation avec les joueurs.
Concernant les aspects vus précédemment, nous avons identifiés quelques outils pour les intégrer et les utiliser au mieux durant les parties.
Le drama
  • Si le drama implique des éléments d'opposition joueur contre joueur, prenez le temps de bien établir les règles de ce type de confrontation.
  • Créez, spécifiez et notez les enjeux présents dans l'histoire et/ou les personnages en fonction du type de drama que vous souhaitez jouer. Il s'agit de votre carburant pour créer du contenu dramatique.
Les dilemmes moraux
  • Ne donnez pas d'impunité aux personnages. Les choix faits impliquent des conséquences réelles et ayant un impact sur l'histoire et/ou le personnage. Vous pouvez expliciter les conséquences avant le choix ou non, à votre convenance.
  • Donnez des valeurs morales aux personnages et/ou l'univers et expliquez-les clairement. Les valeurs morales sont la matières première utilisée par les joueurs pour créer du contenu.
  • Supprimez le hasard. Ne lancez pas de dé pour résoudre un dilemme moral. Le joueur doit choisir en âme et conscience. Cela ajoute du sel à la partie et permet d'affronter les conséquences du choix sans avoir le sentiment de les subir.
Un système de jeu léger
  • Identifiez et supprimez les mécaniques de jeu que vous jugez inutile ou peu utile. Mettez-vous bien d'accord avec les joueurs et vérifiez bien toutes les implications sur les autres mécaniques.
  • Regroupez ou supprimez les compétences. Si vous identifiez des compétences que vous n'utiliserez pas dans la campagnes ou le scénario, vous pouvez les supprimer. Vous pouvez aussi regrouper des compétences qui vous paraissent similaires et dont le niveau de détail ne vous satisfait pas.
  • Lors de phases d'action peu importantes et engendrant de nombreux tests et jets de dés, vous pouvez décider de regrouper la phase de jeu pour la résoudre en un seul test. Prenez le temps ensuite de raconter la scène.
  • Mettez le focus sur ce qui est important et les actions qui ont des conséquences sur l'histoire. Un test qui n'apporte pas de conséquence n'a pas lieu d'être. Réfléchissez avant de demander le jet de dé ce qu'il se passe en cas d'échec et/ou réussite et si cela est réellement impactant pour la suite.
Raconter une histoire
deux optiques opposées dans ce cas mais ayant le même objectif : chacun doit avoir un lien étroit avec l'histoire et pouvoir la suivre de l'intérieur.
  • Co-construction de l'histoire et/ou de l'univers dans le type « jeu émergeant ». Chacun possède alors tous les éléments pour raconter la meilleure histoire possible.
  • Création de pré-tirés avec scénario pour avec des personnages très liés à l'histoire.
Jeu centré sur les personnages
  • Lors des apartés avec un personnage spécifique, n'hésitez pas à faire jouer des personnages non joueurs aux autres joueurs. Vous pouvez leur attribuer un rôle de juge pour les conséquences de l'action.
  • Créez des liens entre les personnages pour que la scène jouée par un personnage soit importante pour tous et que chacun souhaite la suivre.
  • Créez de la transparence pour que les autres joueurs puissent suivre l'histoire du personnage impliqué.
La narration partagée
  • L'univers et l'intrigue doivent être maîtrisés par tous. Pensez éventuellement à la co-construction de l'univers ou de l'intrigue.
  • Notez les éléments présents dans l'histoire et ajoutés au fur et à mesure. Chacun doit pouvoir les consulter à tout moment pour rebondir sur des faits existants.
  • Cadrez la prise de parole. Ce mécanisme doit être compris et intégré par tous.
  • Aidez les prises de parole si cela est nécessaire. Vous pouvez poser des questions ouvertes au joueur ou proposer un cadre pour sa prise de parole.
Une histoire et des personnages simples
  • Jouez des personnages simples. Un archétype permet au joueur de rapidement prendre en main le personnage. Ne sous estimez pas la difficulté de bien jouer un personnage simple mais éloigné de sa propre personnalité.
  • Jouez une histoire simple. Gardez les éléments les plus importants qui sont bien compris par tous. Limitez les intrigues secondaires et les fausses pistes. Gardez un nombre d'éléments perturbateurs restreints.
III. Conclusion
En conclusion, le narrativisme est à la fois un jeu, une façon de jouer, un genre de partie et un segment au sein d'une partie. C'est un terme vague qui regroupe de nombreuses notions plus ou moins compatibles et interdépendantes. Le fait se s'interroger sur ce terme peu apporter une autre approche de certains aspects du Jeu de Rôle et enrichir vos parties.

Re: Café roliste du colloque 2017 : le narrativisme

Posté : 19/03/2017 à 11:20
par Vespéral
Post très intéressant, j'aurai bien aimé être là pendant cette conversation :)

ça traduit assez bien ce vers quoi je préfère m'orienter en tant que joueur et futur MJ.